Lancée au début 2021, la startup Collective permet de créer facilement des collectifs de freelances. Elle met à leur disposition un back-office pensé pour eux, pour promouvoir une offre commune et gérer en toute simplicité devis, factures et partage des paiements. Forte d’une levée de fonds de 7 millions d’euros, elle ambitionne de créer la première entreprise-as-a-service structurée autour des collectifs d’indépendants. Jean de Rauglaudre, son CEO et cofondateur, précise la vision de Collective.
Quel constat préside à la création de Collective ?
Jean de Rauglaudre : Avec Paul Vidal et Vianney de Drouas, mes deux associés, nous avons lancé Collective à partir d’un constat clair : le travail indépendant a connu un essor considérable au cours des 10 dernières années. Or tout conduit à penser que cette tendance est appelée à se poursuivre, voire à s’accentuer.
Sur cette base, une autre tendance apparaît nettement : celle de la montée en force des collectifs de freelances. Ces derniers travaillent de plus en plus en équipe. Ils mettent en commun leurs réseaux, leurs compétences et leurs méthodologies pour se positionner sur des projets plus ambitieux et à plus forte valeur ajoutée. Les collectifs d’indépendants permettent aussi de rompre avec la solitude et de bénéficier d’un environnement de travail plus enthousiasmant.
De manière non-structurée, et sans doute pas toujours conscientisée, les indépendants sont finalement en train d’inventer l’entreprise de demain. Ils participent à l’émergence d’une forme d’organisation très agile et très compétitive, où les fonctions support sont quasiment inexistantes. Par construction, ces nouvelles organisations sont aussi plus expertes, car elles réunissent des savoir-faire très spécifiques au profit de petites équipes multi-spécialisées. Elles sont aussi plus flexibles, plus polyvalentes, parce que totalement horizontales et décentralisées, ce qui permet une plus grande vélocité dans la prise de décision et l’exécution des missions. Elles sont enfin plus transparentes et plus humaines, tout simplement parce qu’un collectif choisit ses missions, ses clients, ses coéquipiers, et même son nom et sa manière de se valoriser.
De fait, nous avons la très forte conviction qu’un collectif d’indépendants bien structuré, bien professionnalisé et bien outillé correspond au modèle de l’entreprise de service de demain. Telle est donc la mission de Collective : créer la première infrastructure SaaS dédiée aux collectifs d’indépendants pour permettre à n’importe quel indépendant, de n’importe quel corps de métier et quel que soit le lieu où il se trouve, de rejoindre ou de créer un ou plusieurs collectifs. L’enjeu est de gérer de la meilleure manière possible une offre commune, dans des conditions optimales de gouvernance du collectif.
Concrètement, que propose la plateforme Collective ? Et pour quelle ambition ?
J. de R : Nous mettons à la disposition de tous les freelances, quel que soient leurs métiers ou leur statut juridique, l’infrastructure nécessaire pour former ou rejoindre facilement un ou plusieurs collectifs. Ils peuvent ainsi créer une offre commune, collaborer sur des missions en équipe et émettre une facturation unique, mais aussi gérer et répartir les paiements. Une market place est également adossée à cette infrastructure SaaS. Elle permet aux collectifs de recevoir des opportunités de la part d’entreprises clientes, et à celles-ci de trouver les bons partenaires pour leur projet.
Quitte à la synthétiser à l’extrême, notre vision est donc de créer une forme d’Entreprise-as-a-Service partagée pour des millions de collectifs créés nativement depuis la plateforme. Notre objectif assumé est de devenir la plus grande IaaS (Infrastructure as a Service) au monde, associée à une offre qui n’émane pas de salariés ou de freelances isolés, mais d’équipes d’indépendants capables de réunir le meilleur des deux mondes.
Quels sont les prérequis nécessaires pour rejoindre un de ces collectifs ?
J. de R : Notre positionnement est vraiment très méta. Il vise à permettre à n’importe quel indépendant de travailler en équipe, quel que soit son niveau de prix et de séniorité, sa localisation ou la forme juridique de son activité. Il existe malgré tout quelques critères d’éligibilité pour bénéficier du service : avoir le désir de collaborer avec d’autres indépendants et disposer d’un statut permettant de facturer. Nous nous adressons donc aussi bien aux auto-entrepreneurs, qu’aux indépendants en portage salarial, ainsi qu’aux autres formes juridiques éligibles au travail indépendant.
Comment rejoindre ou former un collectif sur la plateforme ?
J. de R : Très simplement. Un collectif se crée en quelques clics. Il suffit ensuite de convier les membres de son réseau à le rejoindre. Il est tout aussi facile de rejoindre un collectif déjà existant. En moyenne, une cinquantaine de freelances demandent chaque semaine à rejoindre un ou plusieurs collectifs gérés sur la plateforme. Une fois prise en compte leur demande, nous échangeons ensuite avec chacun d’eux pour identifier le collectif idéal sur lequel le positionner avant de partager son profil avec le ou les collectifs les plus appropriés.
« Nous observons clairement que la proposition de valeur propre aux collectifs attire les clients »
Les entreprises s’ouvrent de plus en plus à la collaboration avec les freelances. Quelle est leur approche à l’égard des collectifs ?
J. de R : Notre expérience montre que les entreprises sont fortement en attente de ce type de solution. En quelques mois, elles sont déjà près de 400 à avoir déposé des offres de mission sur la plateforme, sans réelle action marketing ni prospection commerciale de notre part. Nous observons clairement que la proposition de valeur propre aux collectifs attire les clients, car l’absence de frais de structure permet à ces collectifs de formaliser des offres de service très compétitives, avec des niveaux d’expertise souvent très élevés, basés sur une très bonne articulation des compétences au sein du collectif. Le tout avec une forte réactivité et un haut niveau de motivation puisque ce sont les membres du collectif qui choisissent de se positionner ou non sur la mission.
Vous vous proposez finalement de disrupter le modèle de l’agence. Comment celles-ci réagissent-elles face à votre offre de service ?
J. de R : Je pense qu’on nous surveille à la fois avec bienveillance et méfiance. Nous ne préoccupons pas trop de cet aspect des choses pour nous concentrer beaucoup plus sur notre propre plan de croissance et exécuter notre mission.
À quel type de profils s’adresse en priorité Collective ?
J. de R : Nous avons beaucoup de développeurs, de product managers, de designers, de communicants. Des consultants, des avocats, des architectes, des coachs agiles, des spécialistes de l’accompagnement à la transition écologique commencent également à créer des collectifs sur la plateforme.
Collective se positionne clairement comme un acteur du futur du travail. Quelle vision avez-vous de l’organisation du travail à l’horizon 2030 ?
J. de R : Nous passons aujourd’hui d’un monde où l’on travaillait pour un employeur unique à un mode de travail multi-employeurs ; un monde structuré par le recrutement à un monde de cooptation ; un monde très pyramidal à un monde beaucoup plus horizontal et décentralisé. Il est très probable que ces tendances continuent de s’affirmer au cours des prochaines années et que la séparation entre le salariat et le freelancing devienne de moins en moins étanche. Pourquoi ne pas imaginer par exemple que d’ici 5 ans, il soit possible de travailler en CDI 3 jours sur 5 et de mener une activité d’indépendant le reste du temps ? Dans un tel contexte, la forme du collectif est particulièrement pertinente, car il apporte beaucoup de souplesse et de liberté. C’est d’ailleurs pour cela que la plateforme permet de former un collectif en 1 mn et de le quitter en 30 secondes si on le souhaite. Dans ces conditions, la pire chose qui puisse finalement arriver à un indépendant inscrit sur la plateforme est de se voir proposer une mission et de disposer de tous les éléments pour y apporter une réponse collective et rapide.